Les fonds marins regorgent de créatures mystérieuses, dont on ignore encore l’identité. Dès l’ores que l’une d’elle est découverte, les chercheurs s’empressent de les identifier. Mais cette identification se révèle être urgente, du fait des exploitations minières qui menacent de détruire l’écosystème avant même qu’il ne puisse être étudié.

Les scientifiques font au plus vite pour cartographier et répertorier les milliers d’espèces encore méconnues qui peuplent les abysses. « Concombre de mer géant, crevette aux longues pattes velues, éponges flottantes… La zone [du Pacifique] abrite une faune et une flore abondantes. Un véritable trésor, estiment les défenseurs de l’environnement. »

L’ONG Fauna & Flora craint que le retournement du fond océanique par les exploitations minières ne détruise l’écosystème tout entier, sinon que cela perturbe la chaîne alimentaire, voire « accentue le changement climatique en libérant le carbone contenu dans les sédiments, source de réchauffement supplémentaire ».

L’objectif de la AIFM (Autorité Internationale des Fonds Marins), fondée sous l’égide de l’ONU, est de réussir à répertorier plus d’un millier d’espèces d’ici 2030, dans les régions convoitées par l’industrie minière.

Dans la CCZ*, environ 90% des 5 000 espèces recensées n’avaient jamais été observées auparavant, selon le bilan publié en 2023 dans la revue Nature ecology and evolution. Pour être officiellement identifié, chaque animal doit avoir une empreinte ADN, une sorte de « code-barres » moléculaire, qui permettra à d’autres chercheurs de le reconnaître.

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Dugornay Olivier (2022). Colonie de petites tubulaires (Ectopleura larynx) fixée à un bout de mouillage. Ifremer. https://image.ifremer.fr/data/00754/86592/

Mais le temps presse, car la toute première demande d’exploitation minière doit être déposée en juin par l’entreprise canadienne The Metals Company.

La AIFM négocie depuis 2014 pour que les exploitations minières soient encadrées. Des discussions pour la création d’un « code minier » sont en cours depuis mars 2025, avec l’objectif que les 169 États membres – dont seuls 36 font partie du conseil de décision – puissent s’accorder sur l’exploitation des richesses minérales, tout en garantissant la protection de l’environnement.

Tant que nous n’avons pas d’informations scientifiques suffisantes et un cadre légal qui garantit que tout plan d’exploitation sera basé sur de véritables données scientifiques et des règles solides, nous avons besoin d’une pause de précaution sur toute activité.

Le représentant du Costa Rica

Cependant, pour les défenseurs de l’Océan, la protection de l’environnement et l’exploitation du fond océanique sont irréconciliables. Certains pays, dont la France, réclament un accord de suspension sur cette exploitation.

C’est une voie à sens unique. Une fois engagé, on ne fait plus demi-tour de son plein gré.

Michael NORTON, directeur de l’environnement au Conseil consultatif des académies européennes des sciences (EASAC)
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© Dugornay Olivier (2022). Etoile de mer tropicale "dévoreuse de corail" (Acanthaster planci). Ifremer. https://image.ifremer.fr/data/00789/90105/

Glossaire

CCZ : la zone de Clarion-Clipperton est une zone de fracture géologique sous-marine de l’océan Pacifique, d’une longueur d’environ 7240 km. Elle s’étend sur environ 4 500 000 km2. C’est l’une des cinq grandes lignes du plancher du Pacifique Nord.