Biodiversité marine et brevetabilité des gènes : état des lieux et perspectives

09/06/2011

Une chercheuse française de l’Ifremer et deux de ses collègues espagnols de l’IMEDEA, l’Instituto Mediterráneo de Estudios Avanzados, centre mixte CSIC-université des îles Baléares, ont profité de la tenue en octobre dernier à Nagoya de la convention des Nations-Unies sur la diversité biologique pour faire un point dans la prestigieuse revue Science sur la biodiversité marine et la question des brevets pris sur les gènes.
Le sous-titre résume la situation : « 10 pays à l’origine de 90% des demandes de brevets associés à des gènes marins, certains en provenance des eaux internationales ».

Le marché global des biotechnologies marines était estimé à 2,4 milliards de dollars en 2004 pour un taux de croissance avancé de 5,9% par an, relèvent les auteurs, mais à la différence des ressources terrestres pour lesquelles s’appliquent les juridictions nationales, la portée des bio-prospections de ressources génétiques marines dépasse ce cadre. Face à ce vide juridique, c’est « premier arrivé, premier servi » notent les trois chercheurs.

Dans ce contexte, ce sont les pays les plus riches qui en profitent en déposant des demandes de brevets. A ce jour, selon la comptabilité effectuée par Sophie Arnaud-Haond et ses collègues espagnols, 90% des demandes proviennent de 10 pays (dont 70% pour les trois premiers, Etats-Unis, Allemagne et Japon) qui à eux dix réunis, représentent 20% des côtes (tableau ci-dessous). Au total, seulement 31 des 194 pays des Nations-Unis ont déposé de telle demandes.

Dans leur comptabilité, les scientifique ont dénombré 677 demandes déposées entre 1991 et 2009, correspondant à 8 648 séquences de 520 espèces marines différentes, soit 2% des demandes faites à l’organisation mondiale de la propriété internationale, le gène humain représentant pour sa part 35%, suivi de près des séquences de plantes comme le blé, le riz, le maïs ou l’orge.

Carlos Duarte, co-auteur de ce travail, est aussi le responsable de l’expédition océanographique espagnole Malaspina. Il ne manque pas de rappeler à l’occasion de la sortie de la publication, qu’une des missions du bateau Hepérides est justement l’exploration de la diversité génomique de l’océan et que cela pourra supposer la découverte de millions de nouveaux gènes dont beaucoup pourraient avoir des applications. Le cadre de l’Ouest sauvage dans lequel quelques pays s’approprient à travers les brevets, les ressources biologiques de l’océan, ne nous parait ni éthique ni acceptable.

Une des propositions qu’avancent les auteurs de ce travail pour palier à ces problèmes, est la création d’un pot commun des ressources génétiques, géré par une autorité des Nations-Unies. Cela permettrait une reconnaissance juste des efforts de recherche et un partage équitable des bénéfices dérivés de ressources qui devraient à notre avis, être considérées comme un bien commun écrivent-ils en fin d’article.

S’il n’y a toujours pas d’accord entre les pays, les trois chercheurs relèvent que les nations reconnaissent l’urgence du problème. Gageons qu’ils soient entendus…

Source : BE Espagne numéro 104 (5/05/2011) – Ambassade de France en Espagne / ADIT
http://www.bulletins-electroniques.com/actualites/66673.htm