Une équipe de scientifiques, sous la houlette de l’Agence américaine d’observation océanique et atmosphérique – NOAA -, a filmé un jeune calmar géant de 3 à 3,7 mètres à 759 mètres de profondeur dans le golfe du Mexique.
Le 19 juin 2019, à bord du navire de recherche Point Sur, le scientifique britannique Nathan Robinson (Cape Eleuthera Institute, Bahamas) visionne des séquences filmées par la caméra Medusa : des crevettes, des requins-lanternes… les espèces habituelles flottent sur l’écran…
C’est alors que quelque chose de tout à fait inhabituel surgit : une créature tubulaire qui déroule soudainement ses tentacules, les enroulant autour de Medusa… Une véritable attaque sur une méduse fictive mais très attrayante grâce à ses lumières… Puis une reculade car l’animal se rend compte qu’il ne s’agit pas de nourriture, il repart alors dans les ténèbres océanes…
Nathan Robinson alerte ses collègues, dont la biologiste spécialiste de la bioluminescence Edith Widder, sur ce qu’il pense avoir vu : un calmar géant Architeuthis dux !
Une information que leur confirme Michael Vecchione, biologiste spécialiste des céphalopodes de la NOAA au Muséum d’Histoire Naturelle Smithsonian (États-Unis).
Ces images font partie des quelques rares vidéos au monde filmant cette espèce mythique ! Et c’est un aboutissement pour celle qui a inventé la caméra capable de capturer ces images !
C’est incroyable, nous savons si peu de choses sur la façon dont ces animaux survivent dans les profondeurs… Cela nous aide à en apprendre davantage sur la façon dont ils chassent et se comportent, mais nous avons besoin d’en savoir beaucoup plus ! explique Edith Widder.
Edith Widder, fondatrice d’Ocean Research and Conservation Association, est en effet l’inventrice de la caméra Medusa qui a la particularité d’être équipée d’un leurre optique s’inspirant de la méduse Atolla ou méduse alarme (Atolla wyvillei). On appelle cela le biomimétisme.
La méduse Atolla est en effet étonnante pour sa bioluminescence : lorsqu’elle est attaquée, son ombrelle s’éclaire de milliers d’éclairs bleus comme des flashs. Cela lui permet de prévenir ses congénères du danger et d’attirer l’attention d’autres prédateurs sur son assaillant.
La caméra Medusa est quant à elle équipée de 16 petites lumières rouges intégrées dans un cercle en époxy en forme de méduse. Le rouge est une couleur invisible pour la plupart des habitants des grands fonds.
À la différence des robots et des sous-marins d’exploration, parfois bruyants, aux projecteurs émettant des lumières blanches, Medusa est conçue pour être la plus discrète et la moins agressive possible afin de ne pas faire fuir ces créatures sensibles à la lumière et au bruit.
C’est un outil parfaitement adapté pour observer discrètement un animal dans les grands fonds.
Sur la vidéo, on voit très bien que le calmar géant suit visuellement la méduse avant de l’attaquer, c’est incroyable de pouvoir voir cela ! explique Edith Widder
Medusa avait déjà fait ses preuves en 2012 en filmant la première vidéo d’un calmar géant nageant dans son habitat naturel, au large de l’archipel japonais d’Ogasawara.
Émerveillé par ces images incroyables, Sönke Johnsen, professeur de biologie à l’Université Duke (États-Unis) et scientifique en chef de l’expédition déclare :
À seulement 160 kilomètres au sud-est de la Nouvelle-Orléans, nous voyons des animaux incroyables… ce sont les « monstres marins » qui étaient dessinés sur nos cartes anciennes ! Nous sommes ici, et sous nos « pieds », vivent des calmars géants, des animaux qui semblent tout droit sortis de notre imagination… Mais ils font partie de notre terre, de notre pays.
Grâce aux vidéos prises par la caméra Medusa, les scientifiques en savent un peu plus sur le calmar géant :
- il vit dans un milieu très faiblement éclairé ;
- c’est une créature active : il n’attend pas passivement pour « attraper » sa proie ;
- il a d’énormes yeux – les plus grands du règne animal (jusqu’à 25/30 cm de diamètre) ;
- son attrait pour le leurre de la caméra Medusa prouve que le calmar géant est un prédateur visuel.