Les 530 espèces de requins répertoriées dans le monde ne sont pas seulement dotées de dents redoutables : une cinquantaine d’entre elles sont capables d’émettre de la lumière. Julien Claes est un jeune chercheur UCL (Université catholique de Louvain) « brillant » : déjà en 2010, à travers sa thèse de doctorat, et aujourd’hui dans le cadre de son post-doc, ce chargé de recherches FNRS est parvenu à démontrer, avec le soutien de son promoteur, Jérôme Mallefet, comment fonctionne la bioluminescence d’un squale des profondeurs et dans quel but. L‘Etmopterus spinax auquel il s’intéresse est un petit requin, long de 60 centimètres, que l’on trouve sur les côtes est de l’Atlantique, de la Norvège à l’Afrique du Sud ; il vit à 250 mètres (côte norvégienne) ou même jusqu’à 700 mètres (Méditerranée) de profondeur. Pendant son doctorat, Julien Claes avait démontré que la luminescence ventrale d’Etmopterus spinax lui permet de se confondre avec la lumière ambiante – les rayons du soleil pénètrent jusqu’à une profondeur de 1 000 mètres – et, pour un prédateur qui l’approcherait par en-dessous, la silhouette du requin disparaîtrait complètement.
Cependant lors de leurs expéditions en Norvège, Julien Claes et Jérôme Mallefet furent intrigués par une observation étonnante : les épines dorsales du requin semblaient lumineuses… En réalisant des photographies dans le noir, Jérôme Mallefet a constaté que ce n’était pas l’épine mais bien les organes lumineux situés sur les nageoires dorsales qui émettaient de la lumière. Cette luminescence dorsale était totalement inconnue et sa fonction demeurait énigmatique.
Les auteurs de la recherche publiée aujourd’hui dans Scientific Reports (Nature) suggèrent que ce requin émet de la lumière sur sa face dorsale dans le but de prévenir les prédateurs. Le chercheur de l’UCL, Julien Claes, et ses collègues ont non seulement découvert l’existence de deux zones lumineuses, situées sur les nageoires dorsales du requin à proximité des épines acérées mais ils ont également rassemblé les morceaux du puzzle qui en démontrent la fonction : avec le Max Planck Institute (Allemagne), le laboratoire de biologie marine de l’UCL a analysé la structure particulière de l’épine par micro CT scan ; la transmission de la lumière à travers l’épine a été caractérisée, quant à elle, lors du séjour post doctoral de Julien Claes au Neuroecology Group (University of Western Australia) tandis que la collaboration avec la Lund University (Suède) a permis d’établir la distance à laquelle l’épine est visible. Tous les résultats démontrent que la luminescence du bord des nageoires dorsales balise les épines dans le noir, que celles-ci transmettent en partie la lumière, et que ceci ferait partie d’une stratégie défensive : le requin découragerait le prédateur en lui signalant la présence de ses épines.
Le laboratoire de biologie marine de l’UCL étudie la bioluminescence des poissons et des échinodermes depuis plus de 20 ans. L’étude des requins lumineux constitue un nouveau thème de recherche développé par Julien Claes à l’UCL.