Deux chercheurs de l’UCL, Julien Claes (chargé de recherches FNRS) et Jérôme Mallefet (chercheur qualifié FNRS), viennent de démontrer l’importance de la bioluminescence dans l’histoire évolutive des requins de profondeur. Ces travaux ont également permis aux chercheurs UCL (Université Catholique de Louvain-La-Neuve) de déterminer la profondeur de prédilection de ces prédateurs, un repérage qui pourra désormais aider à leur protection. Ces résultats viennent d’être publiés dans le Scientific Reports de la prestigieuse revue scientifique Nature.
De nombreux animaux marins des profondeurs (entre 200 et 1000 mètres = zone mésopélagique) utilisent un camouflage lumineux appelé contre-illumination pour cacher leur silhouette aux yeux des prédateurs nageant en dessous d’eux. Ce camouflage lumineux implique l’émission, au moyen de petits organes photogéniques (les photophores), d’une lumière ventrale qui imite d’un point de vue physique la lumière ambiante. Selon la profondeur à laquelle ils se trouvent, ces organismes font varier l’intensité de leur luminescence afin que celle-ci corresponde à l’intensité de la lumière ambiante.
Les requins bioluminescents constituent environ 12% des espèces de requins actuelles et sont présents dans deux familles : les Etmoptéridés et les Dalatiidés. Si ces deux familles possèdent des photophores ventraux, les Etmoptéridés présentent également des photophores latéraux formant des motifs parfois complexes. Ainsi, le requin Etmopterus spinax ou Sagre commun a la particularité d’être bioluminescent: il produit de la lumière de manière intrinsèque grâce à des petits organes qui couvrent sa face ventrale. Il évolue entre 70 et 2 000 m de profondeur.
En collaboration avec des chercheurs de l’University of Western Australia et du College of Charleston (USA), les chercheurs de l’UCL ont pu montrer que, contrairement aux autres organismes utilisant la contre-illumination, les requins étaient incapables de modifier l’intensité de leur luminescence, ce qui les contraint à rester à une même profondeur en journée. Et cette profondeur est corrélée à l’importance de la couverture ventrale en photophores.
Enfin, une modélisation théorique, réalisée en collaboration avec la University of Lund (Suède), a permis de fournir une explication quant à l’origine des photophores latéraux des Etmoptéridés : dans la partie inférieure de la zone mésopélagique, où la lumière ambiante (et donc le risque de prédation) est faible, les photophores impliqués dans le camouflage auraient en partie migré sur les flancs pour être utilisés comme outil de communication entre ces requins bioluminescents.
Ces travaux suggèrent que les photophores de requins constituent des structures exceptionnelles, capables de favoriser la spéciation[1] des requins lumineux. En effet, les photophores influencent d’une part la répartition des différentes espèces de ces requins dans la colonne d’eau et d’autre part les interactions entre individus d’une même espèce. Selon les auteurs de cette étude, ces structures ont donc certainement joué un rôle prépondérant dans la diversification rapide des requins bioluminescents, ce qui a permis à ceux-ci de coloniser un grand nombre d’environnements profonds.
[ 1] apparition de différences génétiques, physiologiques,… entre deux populations d’une même espèce entraînant leur séparation en deux espèces distinctes
Pour en savoir plus : https://www.uclouvain.be/313862.html
Source : BE Belgique numéro 80 (16/04/2014) – Ambassade de France en Belgique / ADIT – http://www.bulletins-electroniques.com/actualites/75708.htm