Bernard SÉRET, ichtyologiste et requinologue

Bernard SÉRET est un ichtyologiste spécialisé dans l’étude des poissons cartilagineux – requins, raies et chimères. Son expertise sur les requins est réputée mondialement.

Il a été chercheur à l’IRD, l’Institut de recherche pour le développement, pendant près de 40 ans et a travaillé au Museum d’Histoire naturelle de Paris pendant 20 ans. Il a (co-)écrit près de 180 ouvrages et articles, dont plus de 120 sont dédiés aux poissons cartilagineux. Parmi eux, il témoigne de la découverte de plusieurs nouvelles espèces de requins, de raies et de chimères.

Bernard SÉRET est un pionnier et un militant actif dans la protection des poissons cartilagineux, dont font partie les requins. Il est d’ailleurs membre fondateur et président scientifique de l’association européenne des Elasmobranchii qui coordonne les activités européennes des organisations nationales européennes dédiées à l’étude, à la gestion ou à la conservation des poissons cartilagineux.

Il s’implique aussi dans le programme MADE visant à atténuer les effets négatifs de la pêche ciblant les grands poissons pélagiques en haute mer.

Quelles études avez-vous suivi ?

DEA d’Océanographie Biologique de l’Université de Paris 6, en 1973.

Quel est votre parcours professionnel ?

Océanographe biologiste de formation, j’ai été recruté en 1976 par l’ORSTOM (Office de Recherche Scientifique et Technique d’Outre Mer, devenu l’IRD : Institut de Recherche pour le Développement) en tant qu’ichtyologiste marin.  Mes affectations et missions en Afrique de l’Ouest m’ont conduit à m’intéresser aux requins et aux raies qui à cette époque étaient exploités en grandes quantités sans aucun souci de gestion de leurs populations. Ce groupe passionnant m’a passionné, et c’est ainsi que je suis devenu « requinologue », un spécialiste des requins et des raies.

Quel est votre métier aujourd’hui ?

Retraité de l’IRD depuis 2015, je continue mes travaux scientifiques sur les requins et les raies en tant que chercheur indépendant, et occasionnellement en tant que consultant en ichtyologie marine. Je continue aussi mon activité de coopération en encadrant de jeunes scientifiques africains.

Qu’est-ce qui vous a poussé à vous intéresser au monde fascinant des requins (rencontre avec un expert, livre, émission de télévision, …) ?

Outre le fait que ces poissons étaient menacés par une exploitation intensive devenue mondiale, c’est le fait aussi que la Science les avait longtemps négligés, si bien que nos connaissances sur ce groupe étaient alors fragmentaires : on ne savait pas combien d’espèces de requins peuplaient les océans et les mers, leur biologie, notamment leur reproduction était mystérieuse, etc. Il me semblait indispensable de mieux les connaître, pour gérer leur pêche et protéger leurs populations.

Pouvez-vous nous raconter une anecdote en lien avec l’une de vos expériences / missions ?

La découverte d’une nouvelle espèce est toujours un moment de forte émotion ! Quand vous lancez un engin de pêche à la mer, un filet, une ligne ou une nasse, vous ne savez jamais ce qu’il aura à la remontée.

Lors d’une campagne océanographique mémorable destinée à l’étude la biodiversité de la Ride de Norfolk, une chaîne de montagnes sous-marines qui va de la Nouvelle-Calédonie à la Nouvelle-Zélande, une série de chalutages profonds a permis de récolter une trentaine d’espèces de requins et de raies, dont une dizaine était nouvelle !

Quand l’équipage ouvrait le cul du chalut pour déverser son contenu sur le pont, tous les biologistes à bord s’agglutinaient autour pour voir les créatures mystérieuses remontées des abysses. Pour ma part, je me souviens de la capture d’une grande raie au corps gélatineux comme celui d’une méduse, qui n’était certes pas nouvelle, mais c’était une rareté et la première femelle gravide de cette espèce.

Parfois, l’émotion est plus longue à venir : comme la découverte d’une grande raie-guitare sur le Banc d’Arguin en Mauritanie : le premier spécimen ressemblait à une raie-guitare connue, mais son museau était rond au lieu d’être pointu. Le museau avait été probablement mordu par un requin. Mais un 2^e, puis un 3^e individu ont été récoltés. Ce museau rond ne pouvait être accidentel. Il m’a fallu décrire non seulement une nouvelle espèce, mais aussi un nouveau genre pour classer cette étrange raie-guitare, baptisée Rhynchorhina mauritaniensis. Sa publication dans une grande revue scientifique fut une grande joie et une grande satisfaction !

Quel message voudriez-vous faire passer à la jeune #GénérationOcéan ?

Les enfants ont la faculté de s’émerveiller du monde qui les entoure. Aux jeunes qui envisagent un parcours professionnel dans la recherche scientifique, je conseille de ne pas perdre cette faculté de s’émerveiller devant les beautés et les secrets de la Nature. C’est un moteur essentiel du chercheur.

La route est longue pour devenir un jeune scientifique, mais cela en vaut la peine. Il faut toujours essayer d’aller au bout de ses rêves. Par expérience, les « mordus » finissent par « percer » !