Dates clés
- 27 mai 1936 : voyage inaugural Southampton – Cherbourg – New York
- 24 août 1936 : le Queen Mary remporte pour la première fois le Ruban bleu*
- 14 avril 1937 : 1re escale au Quai de France, à Cherbourg
- 1938 : remporte le Ruban bleu pour la seconde fois. Il n’est détrôné qu’en 1952
- Septembre 1939 : réquisitionné pour le transport de troupes entre les États-Unis et le Royaume-Uni
- 1946 : début des travaux de restauration
- 1947 : reprise des traversées transatlantiques
- 9 décembre 1967 : s’amarre pour la dernière fois au Quai de Long Beach, Californie.
*récompense attribuée au navire capable de traverser l’Atlantique le plus rapidement
Construction et lancement
À la fin des années 1920, la compagnie maritime américano-britannique Cunard Line envisage de remplacer son célèbre trio de paquebots transatlantiques. Le Mauretania, le Berengaria et l’Aquitania, respectivement lancés en 1907, 1913 et 1914, sont vieillissants et ne peuvent plus concurrencer les nouveaux paquebots mis à l’eau par les compagnies rivales de la Cunard.
La compagnie allemande Norddeutscher Lloyd a en effet mis en service le Bremen en 1929 et son sister-ship l’Europa en 1930. L’Île-de-France, de la Compagnie Générale Transatlantique – CGT française, a été livré en 1927. Le Normandie prend quant à lui la mer en 1935.
La Cunard décide donc de construire deux nouveaux paquebots. Mis sur cale en décembre 1930 dans les chantiers navals John Brown & Company en Écosse, le Queen Mary est officiellement lancé le 26 septembre 1934.
Deux ans plus tard, le 27 mai 1936, le paquebot quitte Southampton pour sa traversée inaugurale. Reconnaissable à ses trois cheminées, il fait sa première escale en rade le soir même à Cherbourg. Par l’intermédiaire des transbordeurs, il accueille 152 passagers. Il est acclamé par des milliers de personnes à son départ de Southampton, et reçoit un accueil triomphal à son arrivée à New York.
La légende est née.
Un paquebot Art déco
De l’extérieur, ce mastodonte de la Cunard ne se distingue pas vraiment de ses prédécesseurs, ni de ses concurrents. Les observateurs de l’époque évoquent d’ailleurs une pâle copie de son grand rival le Normandie.
Mais les nombreux aménagements intérieurs – piscines, salle de balle, nurseries, salle de conférence, cours de tennis, bibliothèques… – sont décorés avec soin et le paquebot Art déco ravit les passagers.
Afin de dissimuler les surfaces métalliques visibles, les décorateurs jouent avec les couleurs et les matériaux :
- Le verre est teinté, gravé, sculpté…
- Les essences de bois sont multiples : merisier, olivier, loupe de frêne, orme, érable, if, teck, poirier, sycomore… et viennent du monde entier : acajou du Honduras et des Indes, châtaigner du Japon, bouleau de Suède, péroba du Brésil…
La priorité est tout de même donnée au bois de l’empire britannique.
Les couleurs ne sont pas non plus laissées au hasard. Tandis que les locaux de 1re classe s’accordent dans diverses teintes de rose, le restaurant du paquebot s’harmonise dans les couleurs chaudes et automnales. Les murs sont recouverts de lambris en bois de péroba du Brésil, en trois teintes, et les chaises en bois de sycomore sont revêtues d’étoffes aux tons roux.
L’élégance de la classe cabine
Décorée à l’instar des grands hôtels internationaux, l’immense salle à manger est étagée sur trois ponts et peut accueillir la totalité des passagers – soit environ 815 personnes.
L’accès se fait par de grands panneaux vitrés, réalisés en métal argent. Les colonnes en bois de péroba sont entrecroisées avec des roseaux en métal d’argent et de bronze.

Sur l’un des murs, une immense carte décorative est réalisée par MacDonald GILL. Entre l’Amérique et l’Europe, un Queen Mary en cristal motorisé vogue sur l’océan Atlantique. Activé à chaque changement de longitude, il se déplace sur la carte pour indiquer la position du paquebot pendant le voyage.
Le Verandah Grill trône à l’arrière sur le Sun Deck. Ce restaurant à la carte peut recevoir 80 passagers. Intégralement décoré par Doris ZINKEISEN, il propose aux passagers une immersion dans le monde du cirque, du théâtre et du spectacle.
Une moquette noire tapisse le sol, et des rideaux pourpre parsemés d’étoiles ornent les murs.
Le mobilier apporte également des touches colorées : les chaises en érable canadien sont légèrement teintées de rose. L’ensemble bénéficie d’un éclairage qui s’adapte à l’ambiance musicale des lieux. Les couleurs se reflètent dans les balustrades en verre gravé.

Salon et salle de bal
Le grand salon propose une multitude de boutiques luxueuses aux passagers. Accessible via un vaste escalier de 34 mètres de long sur 21 mètres de large, il est baigné de lumière grâce à 32 fenêtres de 5 mètres de haut.
L’éclairage, à la fois décoratif et fonctionnel, est particulièrement soigné à bord du Queen Mary. Pensé avec des mécanismes dissimulés, les armoires sont éclairées de l’intérieur – avec un allumage automatique à l’ouverture des portes, et l’éclairage des coiffeuses s’active avec le mouvement des miroirs.
Dans la salle de danse, un variateur automatique de couleur permet de diversifier l’ambiance lumineuse. Cette lumière directe provient d’une grande suspension située juste au-dessus de la piste et d’une multitude de vasques.

Classe tourisme et 3e classe
Les voyageurs de classe tourisme et de 3e classe ne sont pas en reste. Dans le fumoir de classe tourisme, une peinture du Mauretania réalisée par Charles PEARS est accrochée au mur. Les passagers de 3e classe peuvent quant à eux profiter d’un jardin d’hiver.
Le Queen dans la tourmente de la guerre
Lorsque la Seconde Guerre mondiale éclate, de nombreux paquebots sont réquisitionnés pour le transport des troupes. Le Queen Mary ne fait pas exception. Ses décors luxueux sont dispersés dans plusieurs lieux de stockage et ses murs lambrissés sont recouverts de panneaux muraux.
Des couchettes en acier remplacent les lits moelleux de la classe cabine et les soldats en uniforme arpentent les ponts autrefois fréquentés par des voyageurs.
La guerre terminée, le Queen Mary accueille les « GI-bride » – les quelques 60 000 femmes britanniques qui ont épousé des soldats américains et repartent avec eux en Amérique.
Remise en état
Fin septembre 1946, le Queen Mary rejoint Southampton. Commencent alors les travaux pour lui redonner son allure d’antan. À contrario de son jumeau de 85 000 tonnes, le Queen Elizabeth, qui peut reprendre les voyages commerciaux rapidement, le Queen Mary doit faire preuve de patience. Le reconditionnement du Queen Mary est une entreprise herculéenne, nécessitant la présence de 1 500 ouvriers pendant près de 10 mois.
Le paquebot a subi davantage de dégâts pendant la guerre que les autres navires réquisitionnés. En octobre 1943, alors qu’il tente d’éviter des tirs de sous-marins, il percute un navire de la Royal Navy. Très endommagée, la proue du paquebot est remplacée par une proue temporaire, installée à la Navy Yard de Boston.
En cale sèche à Southampton, cette proue temporaire est remplacée par une proue neuve, digne du luxe et de l’élégance d’antan du Queen Mary.
Hélices, ligne d’arbre, pompes, générateurs, compresseurs, câbles électriques, toutes les pièces sont soigneusement inspectées, démontées, remplacées ou remises en état. Le matériel de cuisine est restauré, 12 000 luminaires sont remplacés, la partie immergée de la coque est également repeinte… Le paquebot est remis à neuf.
L’extérieur du bateau est écaillé et peint en blanc. Les rails du pont, marqués par les sculptures de milliers de soldats, sont grattés et rabotés en vue de leur polissage final.
Les équipements et les décorations qui devaient être utilisés sur le Queen Elizabeth avant la guerre, mais n’ont pas pu être achevés, sont remis en état et utilisés sur le Queen Mary.
Le 8 mai 1952, il effectue sa première escale d’après-guerre à Cherbourg.

Fin de service et reconversion
Pendant deux décennies, le Queen Mary reprend son service transatlantique et effectue les liaisons entre l’Europe et les États-Unis. Mais le trafic décline année après année. Le voyage transatlantique par bateau est concurrencé par les premières liaisons aériennes et lors de certaines traversées, le Queen Mary compte plus de membres d’équipage que de passagers.
Le 26 septembre 1967, il effectue sa dernière escale à Cherbourg. Il termine sa carrière en décembre 1967, et s’amarre pour la toute dernière fois à Long Beach, en Californie.
Le 1er septembre 1980, la société américaine Wrather Company achète le Queen Mary. Il est ensuite racheté par la Walt Disney Company en 1988, qui le revend au début des années 1990 à la ville californienne de Long Beach.
Le Queen Mary est alors transformé en hôtel-restaurant.

Pour approfondir votre curiosité sur le RMS Queen Mary et les paquebots Transatlantiques, les documentalistes de la Médiathèque de La Cité de la Mer vous invitent à venir consulter sur place ou emprunter les ouvrages suivants :
- RMS Queen Mary : Transatlantic Masterpiece de Janette MacCutcheon
- À bord des paquebots de Jean-Yves Delitte et Jean-Benoît Héron
- C’est pas sorcier : Les très très gros bateaux, DVD documentaire
Laëtitia LOUCHARD, Rozenn POUPON et Julie HENRY POUTREL, Documentalistes à la Médiathèque de La Cité de la Mer