Portrait de François MACE

Interview

S.A Agulhas II.
© Frédéric Bassemayousse, endurance22.org

Quel a été votre rôle pendant l’expédition « Endurance22 » ?

Au sein de la société Deep Ocean Search, j’occupe, entre autres, la fonction d’analyste sonar pour les opérations de recherches d’épaves, au cours desquelles des sonars remorqués ou AUV (Autonomous Underwater Vehicle, ou robot autonome sous-marin en français) sont mis en œuvre.

Les données issues de ces appareils de détection sous-marine sont soit exploitées en temps réel (Real Time), soit analysées après traitement des données (Post Process).

Les années passées derrière les écrans, lorsque j’étais en service au sein de la Marine Nationale dans le domaine de la guerre des mines, ainsi que les dizaines d’opérations de recherche d’épaves, m’ont permis d’acquérir une certaine expérience dans l’interprétation des images sonar.

Mon rôle, lors de la mission Endurance22, était alors d’apporter mon expertise dès lors qu’une anomalie sonar était observée, que ce soit au cours des plongées du ROV (Remote Operated Vehicle, ou véhicule sous-marin téléopéré en français), ou rétrospectivement.

 

Comment avez-vous repéré l’épave sur le sonar ? Quel a été l’élément déclencheur ?

La détection d’une épave est conditionnée par plusieurs facteurs que sont la nature du fond et l’état de l’épave.

Plusieurs scénarios étaient envisagés quant à l’état de l’Endurance :

  • Une coque disloquée par l’action de la glace en surface et l’impact sur le fond avec, donc, une multitude de petits et moyens échos se manifestant au sonar par un « champs de débris » plus ou moins étendu,
  • Plusieurs parties plus ou moins distantes les unes des autres,
  • Quelques débris métalliques éparses, libérés des glaces au fil du temps et de la dérive du pack de glace,
  • Monticule dû à l’accumulation de sédiment au fils des ans sur une coque en bois (tumulus),
  • Coque intacte posée sur le fond.

Dans la zone, le fond est principalement plat et homogène, ce qui doit faciliter les recherches.

 

Les premières anomalies détectées au sonar attisent notre curiosité car elles peuvent correspondre à l’impact d’un objet au contact du fond. Des inspections visuelles menées par la suite sur ces positions n’ont pas permis d’identifier la moindre trace liée à l’épave de l’Endurance.

 

Les recherches se poursuivent sans plus de résultat jusqu’à ce 5 mars 2022, où soudainement apparaissent sur la « waterfall » (c’est-à-dire l’image du sonar en temps réel défilant sur un écran du haut vers le bas) les contours diffus d’une empreinte aux nuances grises et blanches caractéristiques.

La distance de détection est d’environ 350 m. Il ne fait guère de doute que cet écho sonar est plus qu’une anomalie liée à la nature du fond ; les dimensions de cet écho correspondent à celles de l’Endurance mais cela ne suffit pas à affirmer de manière définitive qu’il s’agit bien de cela.

Pour lever ce doute, nous réalisons un second passage avec le ROV (véhicule sous-marin téléopéré) au plus près de ce contact et avec une orientation différente. La fréquence d’émission du sonar est également adaptée afin d’obtenir une meilleure définition de l’image sonar.

 

Ce deuxième passage nous révèle alors clairement les contours d’une épave posée sur le fond, entourée d’un bourrelet de sédiment caractéristique d’un impact. Apparaissent aussi les ombres projetées sur le fond, marquant ainsi la hauteur de la coque et la présence de mats et autres appendices.

Nous réalisons à ce stade, même si l’identification visuelle n’a pas encore été effectuée, que l’Endurance, disparue depuis 107 ans, vient alors de réapparaitre sous nos yeux embués.

 

Quelle est la taille de la surface que vous avez analysée ?

Pour la recherche de l’Endurance, une zone de 15 Nq de long pour 8 Nq de large a été délimitée.

[Ndlr : Nq = Nautique = mille marin]

 

Epave de l’Endurance.
© Photo : Falklands Maritime Heritage Trust / National Geographic, endurance22.org