En 1912, le trafic maritime transatlantique bat son plein. Sur l’année, le port de Cherbourg accueille 527 escales de paquebots. Mais l’une d’entre elles reste dans les mémoires : celle du plus mythique des paquebots, le Titanic. Le dernier né de la White Star Line effectue sa toute première escale à Cherbourg lors de sa traversée inaugurale le 10 avril.

Parti de Southampton à 12h20, il doit arriver à Cherbourg en fin d’après-midi, avant de rejoindre Queenstown – aujourd’hui Cobh – en Irlande, le lendemain.

10 avril 1912, jour d’escale

Dans le port, les préparatifs commencent tôt le matin. Messieurs Lanièce et Fils, représentants de la White Star Line à Cherbourg, s’affairent pour ne rien laisser au hasard.  Le Titanic, plus grand, plus beau et plus moderne qu’aucun autre paquebot, doit arriver vers 17h30. Tout est prévu pour garantir le bon déroulement de l’escale.

À cette époque, les paquebots mouillent dans la grande rade. Ils ne disposent pas encore du port en eaux profondes qui leur permettra de s’amarrer directement à quai. Des transbordeurs assurent l’embarquement et le débarquement des passagers à bord des paquebots, ainsi que le transport des bagages et cargaisons.

Les passagers quant à eux transitent par une petite gare en bois. Construite en 1905, elle s’est rapidement révélée inadaptée au nombre croissant d’escales annuelles. Si en 1905 on dénombre 322 escales, en 1912 on en compte 527 ! Des travaux ont été lancés en 1910 pour remplacer le modeste bâtiment.

Les passagers du Titanic sont donc parmi les derniers à passer par la gare. En effet, quelques mois plus tard le 3 juillet 1912, une nouvelle gare maritime en briques rouges sera inaugurée.

Arrivée d’un train Transatlantique à la gare maritime
Arrivée d'un train Transatlantique à la gare Maritime de 1905 © Collection Jean Pivain

En attendant le paquebot

Le Titanic appareille de Southampton à 12h20. Le départ est agité : en raison de sa taille, le paquebot manque d’entrer en collision avec le New-York, bien plus petit, dont les amarres lâchent sous la force d’aspiration du Titanic. L’incident est évité de justesse et à Cherbourg, on apprend à 13h que le paquebot arrivera avec une heure de retard.

De nombreux passagers sont encore à bord du New York Express lorsque la nouvelle tombe. Le train en provenance de Paris a quitté la gare Saint Lazare à 9h40, et arrive à Cherbourg à 15h40.

Parmi les 281 passagers qui doivent embarquer, 21 sont de nationalité française et tous voyagent en 1re et 2e classe. On peut croiser le sculpteur Paul CHEVRÉ, la gouvernante Berthe LEROY, le courtier en coton Alfred OMONT.

Les passagers de 3e classe viennent pour beaucoup de Syrie et du Liban. Beaucoup sont fermiers, serveurs, femmes de chambre, et se rendent aux États-Unis avec l’espoir d’une vie meilleure, à l’instar de la jeune syrienne vendeuse de fruits et légumes Mariana ASSAF ou de l’agriculteur libanais George TOUMA.

En tout, 26 nationalités se croisent sur les quais de la gare maritime de Cherbourg. 

À 17h00, tous les passagers sont prêts lorsque les deux transbordeurs affrétés par la White Star Line commencent l’embarquement.

Le Traffic invite les 102 passagers de 3e classe à monter à bord. Le navire d’une capacité de 500 passagers se charge également du transport des bagages et du courrier. Le Nomadic quant à lui assure le transfert des 151 passagers de 1re classe et des 28 passagers de 2e classe.

Un dernier appel à destination des retardataires est lancé à 17h30, puis les deux transbordeurs s’écartent du quai et quittent l’avant-port. Ils s’engagent dans le chenal d’accès menant à la rade et 30 minutes plus tard, ils stationnent dans la grande rade.

Il ne manque plus que le Titanic.

1h40, une escale express !

Le pilote de Cherbourg a déjà rejoint le Titanic lorsque ce dernier apparait dans la grande rade à 18h30. Accueilli à bord par le Commandant Smith, il prend les commandes du paquebot pour son entrée dans le port.

La météo est propice à la manœuvre : les averses du matin ont laissé place à un ciel couvert. Le vent d’ouest a faibli et la mer est belle. En quelques minutes, le Titanic franchit la passe de l’ouest puis s’immobilise à proximité du fort central. Il est 18h35.

Les transbordeurs entrent en scène. Les passagers de 3e classe qui attendent à bord du Traffic embarquent sur le paquebot. Les sacs postaux ainsi qu’un peu de fret sont aussi transférés.

Le Traffic ne repart pas à vide : 24 passagers venus de Southampton quittent le Titanic et prennent place à bord pour débarquer. Quelques cargaisons sont aussi transférées sur le transbordeur. Parmi elles, 8 caisses, 2 bicyclettes et 2 passagers plus insolites : un chien et un canari !

Le canari en cage est transporté par Marian MEANWELL pour un proche qui vient le récupérer à Cherbourg. Si Marian poursuit le voyage, le canari s’arrête à Cherbourg et échappe au naufrage.

À 19h20, le Traffic laisse place au Nomadic. Les 179 passagers de 1re et 2e classes embarquent à leur tour à bord du Titanic. Parmi eux, des personnages de marque : le richissime colonel John Jacob ASTOR et son épouse Madeleine, la militante américaine Margaret « Molly » BROWN, ou encore la styliste anglaise Lucy DUFF GORDON

À 20h, tous les passagers ont embarqué. Le Titanic peut reprendre sa route.

Le transbordeur Nomadic de la White Star Line © Collection Jean Pivain
Le transbordeur Nomadic de la White Star Line © Collection Jean Pivain
Le Traffic, transbordeur de la White Star Line © Collection Jean Pivain
Le Traffic, transbordeur de la White Star Line © Collection Jean Pivain

Le départ

Les sifflets du Titanic retentissent par 3 fois et l’ancre est levée. Le pilote de Cherbourg, toujours à bord, se charge de la manœuvre de sortie. Il débarquera 2 kilomètres plus loin. Illuminé de tous ses feux, le Titanic quitte le port de Cherbourg à 20h10, sous l’œil de nombreux curieux venus assister à l’escale du navire depuis les quais.

Il rejoint Queenstown – Cobh aujourd’hui – en Irlande le 11 avril. Il y effectue sa dernière escale avant d’entamer la traversée de l’Atlantique.

La nouvelle du naufrage le 14 avril provoque une émotion immense. À Cherbourg, les navires de commerce, les remorqueurs, les transbordeurs de toutes les compagnies mettent leur pavillon en berne en hommage aux nombreuses victimes qui, quelques jours plus tôt, étaient passées par Cherbourg.


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Équipe Médiathèque

Laëtitia LOUCHARD, Rozenn POUPON et Julie HENRY POUTREL, Documentalistes à la Médiathèque de La Cité de la Mer

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