CSS Alabama

IX. LA REDÉCOUVERTE DU CSS ALABAMA

Pendant plus d’un siècle, personne ne songea à retrouver les coordonnées exactes de l’endroit où avait coulé l’Alabama tant il semblait inaccessible en raison de la versatilité de son environnement sous-marin.

La technologie avancée qui équipe actuellement les dragueurs de mines français basés à Cherbourg ouvrit de nouvelles possibilités. Saisissant l’opportunité que leur offraient de nombreuses heures d’entraînement, ces bâtiments entamèrent patiemment les recherches.

Le 30 octobre 1984, le capitaine de corvette Bruno DUCLOS, commandant du dragueur de mines Circé, repère, lors d’une investigation au sonar, une épave, à 7 milles nautiques (13 km) au large de Querqueville, à l’intérieur des 12 milles nautiques (22 km) qui marquent, actuellement, la limite des eaux territoriales françaises. Les caractéristiques de cette épave incitent DUCLOS à penser qu’il s’agit de l’Alabama.

 

 

Des plongeurs démineurs de la Marine nationale française examinent l’épave et s’efforcent de la dessiner, de la photographier et de la mesurer. Ils prélèvent également des débris épars et légers comme des pièces de faïence aux fins de l’identification de l’épave.

Plongeur sur l’épave de l’Alabama

Plongeur sur l’épave de l’Alabama

Des investigations plus approfondies s’avèrent nécessaires pour confirmer l’identité de l’épave. Le 22 novembre 1984, la Marine nationale française désigne Max GUÉROUT, spécialiste de l’archéologie navale, pour effectuer une identification du site. Son rôle est de déterminer s’il y a lieu ou non de protéger le site récemment découvert. Dans un premier temps, Max GUÉROUT compare la faïence prélevée sur l’épave à celle que la Grande-Bretagne produisait au siècle dernier. Il obtient une copie des plans du navire sudiste et descend dans un deuxième temps sur l’épave à bord d’un petit sous-marin d’observation.

 

En septembre 1987, à Charleston, lors d’un symposium sur l’histoire de la Marine, Max GUÉROUT annonce lors de la séance présidée par Ulane BONNEL (Historienne navale, Membre de l’Académie de Marine et présidente de la branche française de l’Association CSS Alabama) la découverte des restes de l’Alabama. Un premier programme de plongées, le CSS Alabama Challenge, dirigé par l’Association CSS Alabama et Max GUÉROUT est mis en place de 1988 à 1995.

L’Alabama gît à 60 mètres de fond. L’épave est recouverte d’une épaisse couche de sédiment composée de sable et de débris de coquilles de moules qu’un courant de 7 nœuds déplace sur le site au gré de la marée. Cette masse abrasive a déjà rongé les deux extrémités du navire et rasé le pont supérieur. Le côté bâbord de l’épave est ensablé jusqu’au ras du pont encore en place, tandis que le flanc tribord est exposé à toute la violence du courant et les bordés ont été arasés au niveau des chaudières. La dégradation des structures du navire se poursuit inexorablement.

Toute intervention humaine sur le site est difficile : profondeur à la limite de la plongée à l’air, basse température des eaux, visibilité presque nulle, très fort courant limitant les interventions aux moments des marées qui se limitent à 80 minutes, en fonction du coefficient des marées.

 

Du 19 mai au 24 juin 1988, lors de la première campagne d’expertise menée sur le site de l’épave, les plongeurs (dont une grande majorité vient de l’ASAM, Association sportive de la Marine et du CNP, Cherbourg Natation Plongée) effectuent 162 plongées et remontent un fragment de la barre à roue sur laquelle figure en français la devise « Aide-toi et Dieu t’aidera ».

Cet élément permet d’identifier avec certitude le navire.

Le sous-marin VAR SO 450

Le sous-marin VAR SO 450

Du 17 au 23 juin, le sous-marin d’observation VAR SO 450, fabriqué par Comex pour la société Intersub, coordonné par Paul-Henri NARGEOLET (Chargé de la mise en œuvre des engins sous-marins d’Ifremer) effectue 9 plongées.

 

VAR SO 450 est équipé de :

  • 1 sonar panoramique ;
  • 1 système de vidéogrammétrie ;
  • 1 prise de vue photo ;
  • 1 échosondeur ;
  • 1 capteur de pression ;
  • 5 projecteurs commutables de 2 800 watt.

 

Le plongeur Michel Chapron lors de la remontée du canon en 1994

Le plongeur Michel Chapron lors de la remontée du canon en 1994

En 1989, une seconde campagne d’expertise en 2 phases est mise en place. La première phase se déroule le 30 mai puis le 7 décembre 1989 avec le soutien du bâtiment hydrographe La Pérouse du Service Hydrographique de la Marine (SHOM) qui effectue des relevés et des mesures.

 

Du 4 au 12 octobre 1989, a lieu la seconde phase.

Trente plongées ont lieu depuis le navire ASAM III exécutées par 8 plongeurs appartenant à 3 clubs locaux : l’ASAM, le Club Cherbourg Natation Plongée (CNP) et le Club de plongée de la COGEMA. Quelques objets sont remontés.

En juin 1992, l’utilisation d’un robot télécommandé Lagune est mis à disposition par EDF (Électricité de France), le robot Lagune est capable de réaliser les tâches suivantes :

  • se déplacer sur le fond ;
  • naviguer et se positionner ;
  • explorer, observer et enregistrer des images vidéo (3 caméras vidéo) ; – saisir des objets ;
  • mettre en œuvre une suceuse.

Les images recueillies permettent d’établir des priorités quant aux fouilles à effectuer.

 

Le 3 octobre 1989, après de longues négociations avec les États-Unis, un accord est conclu impliquant la reconnaissance de la propriété américaine de l’épave et de ses objets au profit du gouvernement fédéral en tant qu’État successeur de la Confédération. Il définit également les procédures d’intervention sur le site et de conservation des objets. Un comité scientifique paritaire franco-américain est, par ailleurs créé afin de contrôler le bon déroulement des recherches archéologiques.

Le CSS Alabama est le seul site d’archéologie sous-marine contrôlé par traités internationaux : une épave sudiste gisant à 60 mètres de fond dans les eaux territoriales françaises et restant la propriété des États-Unis.

En 1994, le canon Blakely de 3,5 tonnes et sa plateforme pivotante sont remontés par la gabarre

Fidèle. Ils sont aujourd’hui exposés dans la Nef d’Accueil de La Cité de la Mer. Ces différentes campagnes archéologiques ont permis de remonter des objets divers tels que des balles de revolvers, des pièces de monnaie, des objets de couture ou de bricolage ainsi que le mobilier usuel des marins (vaisselle, lampes de coursive…) qui ont été envoyés au Naval Historical Center (Service Historique de la Marine des États-Unis) à Washington pour leur conservation finale, suite aux opérations de conservation préventive assurées par l’association française.

 

Le canon Blakely exposé à La Cité de la Mer

Le canon Blakely exposé à La Cité de la Mer

 

En 1995, l’US Navy, représentant les États-Unis, signe une convention avec l’association française CSS Alabama. Elle est, durant 5 ans, le seul opérateur autorisé à poursuivre des fouilles archéologiques sur le site (renouvelable tous les 5 ans). Max GUÉROUT quitte la direction des fouilles qui est confiée à l’américain Gordon WATTS qui dirige deux campagnes de fouilles en 2000 et 2001.

Plus de 1 650 plongées ont eu lieu sur le site. La dernière plongée sur l’Alabama est réalisée le 11 juillet 200510. Le CSS Alabama est ensuite placé sous la surveillance de la Marine Nationale. La zone de plongée reste interdite au public.

Documents CSS Alabama